Lundi et mardi
Nous passons 2 jours à JERUSALEM où nous constituons d’abord, avec Kathy, les 2 groupes de mission. A celui des 6 Ardéchois s’ajoutent une Lyonnaise et une Parisienne.
Accueillis dans les locaux de OCHA (Office de la Coordination des Affaires humanitaires de l’ONU), nous constatons sur les cartes les violations de plus en plus grandes d’Israël dans les territoires occupés : agrandissement des colonies, confiscation des terres (surface multipliée par 4 en 20 ans), check-points de plus en plus nombreux...
En route pour un rendez-vous avec l’association œcuménique Sabeel, un bref arrêt au camp de réfugiés de SHUFAT dans la banlieue de Jérusalem nous laisse imaginer les énormes difficultés de ces 40000 habitants entassés là.
Nous longeons les travaux pour la construction du tramway. Pas d’ouvriers sur le terrain... les travaux sont peut-être bloqués en attendant la fin du procès des entreprises françaises... on peut toujours rêver...
Le lendemain, rendez-vous à l’AIC (Alternative Information Center) avec Michel Warschawski, journaliste et anticolonialiste israélien. Il nous sensibilise à la situation de plus en plus insoutenable : colonies élargies, stratégie d’annexion et d’étouffement, 562 portes de fermeture, 413 km de barrière construite sur 712 prévus alors que la ligne verte n’a que 320 km, tendance à faire des tunnels... Le tour en bus des environs de Jérusalem me permet de constater l’ampleur de l’annexion depuis mon passage, il y a 3 ans (le check-point de Qalandia par exemple est terminé avec contrôles très sécurisés, constructions en dur, parkings).
Le soir, un repas offert par l’UAWC (Union of Agricultural Work Committees) nous permet de faire un peu plus connaissance des membres avec qui nous allons rester en relation tout au long de la mission.
Mercredi
Nous partons à HEBRON en bus. Les nombreux passages aux check-points ne nous posent pas de problèmes particuliers, par contre, pour les Palestiniens, les contrôles sont beaucoup plus longs et beaucoup plus sévères. Nous nous installons dans une maison prêtée par l’UAWC puis allons dans l’oliveraie proche de la clôture de barbelés qui nous sépare d’une colonie. Ramassage à la main. Echelles en mauvais état. Le rendement pourrait être meilleur avec du bon matériel. L’important est notre présence, plus que la cueillette elle-même.
Raed est notre interlocuteur au cours du séjour à Hébron. Comme un long article lui est consacré dans le n° 49 de la revue de l’AFPS "Pour la Palestine", je ne m’étends pas sur lui. Il nous emmène l’après-midi à l’exposition des produits artisanaux de l’association : miel, broderies, confitures, conserves... Les plaques de jus de raisin séché ont du succès et apporteront quelques soucis à Jean à l’aéroport !
La soirée se termine par des discours officiels, un film sur une pièce de théâtre jouée en France... La fatigue se fait sentir et nous rentrons préparer un repas que nous trouvons unanimement excellent !
Jeudi
L’autocar nous emmène à une vingtaine de km à la frontière Ouest pour planter des oliviers - plantation symbolique avec des jeunes membres du Croissant rouge, au village de BEIT ZACCHARIA. Les femmes manifestent une joie certaine à nous inviter (nous, les femmes) à prendre un verre d’eau, puis un café, puis un thé... et voudraient plus longtemps nous garder, nous montrer leurs réalisations en broderie, mais nous devons partir.
Dans la soirée (notre visite sera très rapide, par sécurité, à cause de la nuit qui va tomber) nous arpentons les rues de la vieille ville d’Hébron. C’est un choc ! Partout, soldats, tourniquets, portail détecteur, contrôles, chiens errants, boutiques arabes fermées, grillages au-dessus des rues pour protéger les Palestiniens des déchets jetés par les colons, étoiles de David sur les façades des magasins, colons armés sur les toits... envie de vomir.
Vendredi 2
Nous partons à 6 h 30 en taxi à la manifestation pacifique hebdomadaire à BIL’IN, manifestation menée les habitants avec des Israéliens anti-colonialistes et des internationaux. Bil’In est un village de 1 600 habitants situé à l’ouest de Ramallah (nous changeons 4 fois de véhicule pour faire quelques dizaines de km). Les villageois luttent depuis un an contre le mur d’annexion et la confiscation de 60 % de leurs terres. Nous sommes reçus par un membre de la municipalité : café, thé, film sur une précédente manifestation (sa petite fille de 4 ans regarde l’écran avec intérêt... son papa blessé est sur l’image !!) consignes de sécurité, distribution d’oignons. Beaucoup d’affiches sur l’apartheid, les bantoustans, le boycott des produits israéliens. La manif grossit avec les hommes qui sortent de la mosquée et nous nous dirigeons vers la barrière. Beaucoup de militaires n’attendent qu’une chose : le dépassement d’une ligne de barbelés. Après une rapide sommation d’usage, les gaz lacrymogènes dispersent les manifestants qui tentent plusieurs fois de revenir.
Nous rentrons dans la nuit et dégustons avec grand plaisir le repas réunionnais de D. !
Samedi 3
Avec l’autre groupe et quelques jeunes Basques, nous nous rendons à la frontière sud dans le village OT’NAEL. Les champs d’oliviers sont traversés par une route qui conduit évidemment à une nouvelle colonie. A cause de cela, les paysans n’ont pas pu cueillir leurs olives depuis 4 ans. Hommes, femmes, adolescents, internationaux, ânes, tout le monde est présent... on croirait aller à un pique-nique villageois... mais la tension est forte et les paysans nerveux et fébriles. Du haut de son mirador, le soldat surveille et nous sommes immédiatement entourés de militaires et de jeeps. C’est jour de shabbat et peut-être pour ça, tout se passe dans le calme, nous traversons tous la route sans être inquiétés et ramassons le plus possible.
Dimanche 4
En route pour le Nord-Est ! on nous attend à JALBOUN, petit village à la frontière jordanienne du côté de JENINE. Le paysage est joliment vallonné et serait agréable s’il n’y avait pas sur presque chaque mont une arrogante colonie. Parfois, il y a seulement un mobil-home ou deux... ou une dizaine, présage, hélas, d’une future annexion. Un reportage à la télé le 28 novembre montre justement ces fameux mobil-homes qu’on installe depuis un mois afin d’occuper le plus possible de nouvelles terres AVANT la rencontre d’Annapolis. Un colon très déterminé affirme que ces mobil-homes ont été mis en place pendant la nuit et que personne ne délogera les nouveaux habitants !! Quelques ralentissements aux barrages mobiles, mais à la vue des passeports français nous ne sommes pas inquiétés.
Après un accueil comme toujours chaleureux, rendez-vous dans les champs à la limite des barbelés... 75 % des terres ont été confisqués et toutes les colonies autour encercleront bientôt entièrement le village.
Le soir, les jeunes nous offrent un spectacle de danses folkloriques endiablées. Tous les hommes sont présents. Mon voisin me fait remarquer que, au-dessus, une jeep passe et repasse... Il rit... Nous rencontrons les femmes et les jeunes filles plus tard dans leur maison, elles quittent le voile, parlent anglais de leurs études, de leurs mariages, de leur choix de quitter l’université (des jumelles se marient au printemps prochain, elles ont 22 ans)
Lundi 5
Après la visite de l’école et la cueillette, nous redescendons à Jérusalem (Nous savons que nous sommes dans le secteur palestinien lorsque le chauffeur enlève sa ceinture !)
Mardi 6
Nous partons pour le camp des bédouins entre Ramallah et Jéricho. Au bord de la route, voici le camp des bédouins expulsés en 1948 du Néguev. Paysage aride, constructions en tôle ondulée, terre battue, misère... Dans le district, 5 000 personnes, ici 1 500 dont 45 enfants. Ils vivent difficilement de l’élevage, le prix du fourrage augmente sans arrêt ainsi que celui de l’eau (leur eau !) payé aux Israéliens.
C’est la première fois qu’ils reçoivent des visiteurs et j’ai un peu l’impression de faire partie d’un tour-opérateur qui déverse son flot de touristes ! Mais après le côté sérieux et officiel du repas pris avec les hommes, ce sont les femmes, filles et enfants qui nous entraînent dans leurs lieux de vie, cuisine, chèvrerie, désert... Pendant la préparation du repas (ils ont tué une chevrette) descente sur l’oasis de Jéricho avec un arrêt rapide devant la prison terriblement célèbre.
Mardi - BETHLEEM - camp de réfugiés de DHEISEH -
Originaires de 30 villages rasés en 1950, 10 000 personnes vivaient dans ce camp en 1999, 12 000 aujourd’hui. Nous sommes accueillis par Naji Owdah, directeur du centre culturel "Al Feneiq" (le Phénix) avec beaucoup de gentillesse. Assigné à résidence à Bethléem, après 10 ans de prison, il a une foi et une énergie à toute épreuve. Il nous fait visiter avec fierté les bâtiments deux fois reconstruits après les attaques israéliennes. Du toit, on se rend compte que le district de Bethléem est complètement encerclé par des colonies et le mur qui aura bientôt 70 km de long et ne permettra plus à des dizaines de familles l’accès à leurs terres.
Dans le camp, les services de base sont fournis par l’UNRWA (Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens) éducation, santé, services sociaux, approvisionnement en nourriture... mais les moyens financiers baissent et la population augmente. Dans les familles qui nous reçoivent, partout sur les murs, les photos de leurs martyrs, de leurs prisonniers... Au cimetière, moment d’émotion pour notre hôte : tous étaient des parents, des amis. Je repars le coeur lourd en pensant à ses dernières paroles : « ils nous prennent tout, nos terres, notre travail, notre liberté, mais jamais ils ne nous prendront notre liberté de penser ! », paroles dites avec détermination entre 2 bouffées de Gauloises.
Nous retrouvons dans la vieille Cité, au Jérusalem Hôtel (haut lieu de rencontres, fort sympathique, malheureusement vendu dans quelques mois) les membres des autres groupes pour les derniers comptes-rendus. Un repas en commun termine la mission et je vais boucler mon sac à dos avec ceux qui partent comme moi cette nuit.
La réadaptation est un peu difficile, comme il est difficile d’oublier tout ce peuple qui lutte, qui ne désespère pas... une grande leçon de courage !